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Amour

" Histoire d'un brin de muguet "

 

Depuis plus de quatre ans que je suis prisonnier.
Mes jours heureux sont quand je reçois du courrier.
Les lettres sont pourtant presque toujours les mêmes.
Je suis en bonne santé, te souhaitant de même.
Puis invariablement pour terminer, toujours.
Je conserve l'espoir de ton prochain retour.

Mais, dans un coin d'une lettre que j'ai reçue,
Un petit brin de muguet y était cousu.
Vraiment, c'est enfantin d'envoyer ce muguet.
Je pourrais en avoir, ici, tout un bouquet.
Qui ne serait pas fané comme celui-ci !
Dans les bois allemands, le muguet pousse aussi.

Et, comme pendant un moment, je restais là.
Soudain, le petit brin de muguet me parla.

- Excuse, me dit-il, si j'ai triste figure.
Pourtant, si tu savais, j'étais beau je t'assure.
Tu as l'air d'en douter, tu ne veux pas me croire ?
Je vais, pour te convaincre, te conter mon histoire.

D'abord, j'ai vu le jour là-bas, très loin d'ici.
C'est sur le sol français qu'un matin j'ai fleuri.
A l'ombre des grands bois, au milieu d'autres fleurs.
J'ai vécu, sans savoir que c'était le bonheur.

Je buvais, le matin, la rosée bienfaisante,
Je puisais dans le sol, nourritures abondantes,
Je voyais le ciel bleu, la lune ou les nuages,
Je voyais le soleil à travers le feuillage.
C'est lui qui me chauffait de ses rayons ardents.
Ainsi, rapidement, j'ai pu devenir grand.

Comme il faisait bon, comme tout était beau,
Nous avions chaque jour le concert des oiseaux.
Tu as dû, toi aussi, l'écouter, autrefois.
N'est-ce pas qu'il faisait bon vivre dans ces bois ?

J'aurais dû ne jamais rien désirer de plus.
Pourtant je subissais l'attrait de l'inconnu,
Je pensais que peut-être, je serais cueilli
Comme porte-bonheur, et j'en étais ravi.

Une dame, en passant, devina mon désir.
S'approchant doucement, elle vint me cueillir.
Me prenant dans sa main, avec d'autres muguets,
Nous formions à nous tous, un superbe bouquet
Qu'auprès de son visage elle approchait souvent !
Humant notre parfum tout en nous contemplant.
Chez elle dans un vase à demi rempli d'eau
Pour conserver longtemps ce muguet frais et beau
Nous avons parfumé ce qui nous entourait
Dans cet appartement coquet, je me plaisais.

Mais quand, le lendemain, parmi les plus jolis
Qu'elle avait mis à part, c'est moi qui fût choisi.
J'étais heureux et fier d'être le préféré
J'entrevoyais, pour moi, l'avenir tout doré.
Puis au coin de la lettre, où je suis maintenant
La dame m'a placé, cousu, soigneusement
Avec des gestes tendres, n'osant m'effleurer
Tout comme si j'étais une chose sacrée.

Puis elle contempla ce travail achevé,
Vérifiant pour que rien ne soit détérioré.
Alors en se penchant, je m'en souviens toujours,
Elle me donna pour toi, un doux baiser d'amour
En me murmurant, va, toi, qui porte-bonheur,
Vas, donner ce baiser à l'élu de mon cœur
Qui, dans les barbelés dont il est entouré
Est privé de caresses depuis des années.

Ainsi dans la lettre pliée, je suis parti.
Mais, tu ne peux savoir tout ce que je souffris
Depuis ce moment pour arriver jusqu'à toi.

Le tampon des postiers m'écrasa maintes fois.
Je fus aussi jeté, bousculé, rejeté,
Écrasé sous de lourdes piles de paquets.
Je suis resté des jours, peut-être des semaines,
Entassé dans des pièces sombres et malsaines.
Mon parfum s'échappait par toutes mes blessures,
Vingt fois, j'ai cru mourir, mais j'avais la vie dure.

J'ai cru aussi deux fois que j'étais arrivé.
La lettre, brusquement, se trouva dépliée.
Mais c'était fait par des personnes étrangères.
Qui ont lu, et relu, ta lettre tout entière.
Devant tant d'indiscrétion, j'étais indigné
Pourtant je dois te dire que nul ne m'a touché.
Avec le doux baiser que j'ai reçu chez toi,
J'ai conservé un reste de parfum pour toi.

Mais, tu es impassible. Me suis-je trompé ?
N'est-ce donc pas à toi, que j'étais adressé ?
Pourtant, j'en suis certain, là-bas, sur le buffet
J'ai vu, ta photo, près du bouquet de muguet.

Sur ce, le brin de muguet, cessa de parler.
Et moi, un peu confus, je m'en suis approché.
C'est vrai, que du parfum s'en exhalait encore :
Non pas le doux parfum de fleur qui vient d'éclore,
Cependant, cette odeur m'a quelque peu grisé.
Le papier de la lettre en était imprégné
Et sur mes lèvres, j'ai senti, il m'a semblé
Recevoir la caresse de ma bien aimée.
J'en étais tout ému, je ne puis l'expliquer.
Aussi c'est bête, voyez-vous, mais j'ai pleuré !

Pierre Julien

 

Commentaires

  • Sabine

    1 Sabine Le 01/10/2010

    Entièrement d accord ..elles se ressemblent au moins sur ce point
    amitiés Sabine
  • Anonyme

    2 Anonyme Le 01/10/2010

    Citations de Musset :

    Tous les amours ne se ressemblent pas. Toutes les maîtresses se ressemblent.

    Une femme pardonne tout, excepté qu'on ne veuille pas d'elle.

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